CLAP : soutenir la création, lutter contre le racisme
Depuis 2007 et le lancement de son Concours de courts métrages, À FILMS OUVERTS a diffusé des centaines de films réalisés par des groupes citoyens. Chacun d’eux, dans sa forme singulière, s’est employé à dénoncer le racisme, à raconter l’interculturalité. Rassemblés, classifiés, ces récits audiovisuels constituent une mine d’or : ils permettent d’identifier les constantes et les évolutions, les failles et les fulgurances du cinéma militant « amateur ». Prendre un recul sur la manière dont une société problématise « son » racisme et le met en récit, c’est aussi et surtout se doter d’une grille de lecture critique des films dont nous serons l’audience.
Photo : Tyler Casey - Unsplash
Le projet CLAP (Collective Learning Through Antiracist Production) est né de la rencontre entre trois partenaires partageant une même vision du cinéma et de son rôle social : Média Animation, 4Change (au Portugal), et Karpos (en Grèce) encouragent la production cinématographique par des collectifs citoyens, s’inspirant de leurs contextes spécifiques. Quand les citoyen·nes prennent leur plume puis leur caméra pour dénoncer les discriminations raciales, quelle forme prend le message adressé à la société ?
Le racisme : un problème interpersonnel ou sociétal ?
Le racisme est souvent montré comme une affaire de racistes… et ces profils de personnages animent de nombreuses dramaturgies. Ils sont souvent dépeints comme intoxiqués par leurs préjugés, comme si une maladie leur avait greffé des œillères limitant leur lecture de la diversité aux problèmes, souvent imaginaires, qu’elle poserait. L’intolérance découlerait ainsi d’un rapport tronqué au monde, serait source d’une violence aveugle mais « confinée » aux relations interpersonnelles. Dans beaucoup de courts métrages, le racisme des uns répond à celui des autres, et la solution se situerait dans la compréhension mutuelle. Mais en découvrant le vécu d’un personnage subissant le racisme, le public a l’opportunité d’entrevoir la réalité sociétale dans laquelle la « crise » est ancrée : un « climat » raciste généralisé, les relations politiques et économiques déséquilibrées entre le « Nord » et le « Sud », le radicalisme religieux ou les tensions interconfessionnelles, la « crise migratoire », les accords de Dublin… Le racisme n’est alors plus celui des personnes, mais celui des systèmes et des institutions. Pourtant, proposer un récit qui soit à la fois captivant par ses personnages et capable de dévoiler le système qui fonde les discriminations est un tour de force.
Des écueils se dressent au fil du parcours créatif : reproduire à l’écran ce que le film cherche à dénoncer, surexploiter les représentations sté-réotypées des personnes étrangères, s’éloigner du réel en choisissant l’abstraction fictionnelle, inventer des situations qu’on ne connait pas soi-même ou proposer un contenu trop explicatif ou technique qui conviendrait mieux à un texte qu’à l’audiovisuel…
Le film : un objet à déconstruire
Le projet CLAP proposera dès juin 2023 des formations aux animateur·rices et éducateur·rices qui souhaitent aiguiser leurs aptitudes audiovisuelles pour les exploiter avec leur groupe (voir page suivante). Il offre aussi dès à présent au public l’opportunité d’identifier les questions à adresser à une œuvre pour situer son impact. Le film s’inspire-t-il d’expériences réelles ? Une histoire ancrée dans le vécu de « vraies » per¬sonnes gagne bien sûr en force, en crédibilité. Le choix du personnage central ouvre-t-il à une réflexion qui dépasse sa propre histoire ? Un personnage féminin questionne peut-être une intersection de discriminations plus vastes qu’un homme. Un personnage blanc pourra dans l’histoire être victime d’un acte discriminant, mais son drame ne permettra pas de questionner un racisme institutionnel (puisque ce héros n’en sera jamais victime dans nos sociétés). Autre question centrale, et très en lien avec la crise qui mobilise le héros : quelle est l’anomalie ? Au fond, présenter le personnage raciste comme anormal donnera peut-être l’impression que le reste de la société est exempte de racisme. Élément central puisque c’est souvent ce que l’on retient du film : comment l’histoire se termine-t-elle ? Le message ou la morale sont souvent nichés dans son cœur. Une issue positive face à la situation dépeinte est peut-être naïve, alors qu’un final dramatique et triste prend le risque de bloquer toute piste de solution.
Finalement, le traitement choisi (documentaire ? clip ? comédie ?) était-il le plus heureux ? Donne-t-il l’opportunité au groupe de réalisation d’incarner son propos ? Peut-être est-ce là aussi la vertu d’une démarche amateure : s’appuyer sur les compétences de chacun·e, se jouer des défauts techniques pour les transformer en atouts, surfer sur les hasards de la réalisation, créer dans une liberté totale et « inventer » le genre du film. Le cinéma porté par les citoyens et citoyennes échappe aux impératifs écono¬miques d’une production professionnelle, et laisse place à l’authenticité. Nous rejoindrez-vous lors d’une séance de projection des courts métrages du Concours pour exploiter ces quelques pistes d’analyse critique ? Ou mieux encore, rejoindrez-vous le projet CLAP pour réaliser votre propre film ?
Retrouvez toutes les infos sur www.mediaclap.eu
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Pour plus d’infos, vous pouvez contacter Florian Glibert (f.glibert[at]media-animation.be / 02 256 72 45 )
N’hésitez pas à diffuser notre appel aux personnes intéressées !
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CLAP (Collective Learning Through Antiracist Production) est un projet mené par l’asbl belge Média Animation en partenariat avec Karpos (Grèce) et 4Change (Portugal). Le projet est cofinancé par l’Union européenne dans le cadre du programme Erasmus+.