Carte blanche à ... Hadja lahbib
À FILMS OUVERTS propose à une personnalité de choisir un film qui illustre le thème du festival et de le présenter aux spectateurs pour ensuite débattre avec eux de son choix.
Après Mourad Boucif (2008) et Taylan Barman (2010), c’est Hadja Lahbib qui a accepté l’exercice pour l’édition 2011. Reporter et présentatrice du JT à la RTBF, elle est aussi réalisatrice de documentaires et attachée à la question des femmes (Afghanistan. Le choix des femmes ; Le cou et la tête).
Son choix : L’Enfant endormi de Yasmine Kassari
C’était il y a quelques années à Agadir, lors du festival consacré à l’immigration. Thématique combien galvaudée, mille fois traitée dans des documentaires, fictions, romans et autres essais… J’en avais vu et lu beaucoup, mais souvent, j’en ressortais avec une certaine lassitude, l’impression de ne pas avoir appris grand-chose de cette réalité pourtant criante et visible dans toutes les grandes villes d’un monde de plus en plus globalisé.
J’allais donc à la projection de « L’Enfant endormi » de Yasmine Kassari avec une certaine lassitude… Elle ne dura que le temps du générique du début ! Car tout, dès les premières secondes vous accroche. De ce mariage traditionnel dans un bled perdu du Maroc avec la mariée dont la principale inquiétude en ce grand jour, est de pouvoir enfin se soulager, aux traditions, chants et croyances, voire sorcellerie locales utilisées qui, tout en portant le scénario nous amène à la découverte d’un peuple vu de l’intérieur, sans oublier la modernité d’un monde qui leur échappe (vous goûterez certainement comme moi la scène de la caméra comme moyen de communication)…
Toute la magie et la force du film tiens dans ces détails, dans le regard que pose la réalisatrice avec une sensibilité infinie, en choisissant de nous offrir le versant du décor… Yasmine Kassari aurait pu suivre ces hommes qui quittent leur village pour aller tenter leur chance dans l’Eldorado européen, mais elle a choisi de rester avec celles qui restent, qui attendent, que l’on oublie. Ces grands- mères qui meurent de chagrin, ces femmes frustrées, habitées par un homme absent, ces enfants qui ne savent pas s’ils reverront leur père un jour. Si l’on mesure un film à l’émotion qui se dégage dans la salle, aux traces qu’il vous laisse dans les heures et les jours qui suivent, on peut dire que « L’Enfant endormi » est un grand film. Je ne fus pas la seule à ne pouvoir retenir mes larmes ce soir là, à avoir envie de prendre simplement dans mes bras celle qui était l’auteur de tant de justesse et d’humanisme. Sans doute cela est-il dû aux choix des acteurs, certains sont vraiment issus du village et n’avaient jamais joué dans un film, au mélange de réalisme cru et de poésie orientale, à l’humour aussi qui nous surprend parfois dans les moments les plus dramatiques de cette fiction qui, presque mieux qu’un documentaire, a le mérite de nous emmener dans une réalité cachée, inaccessible et trop souvent oubliée.
Bon film à tous !
Hadja Lahbib